HISTORIQUE DU 56 RI EN 1939/1940

Dans le cadre de l'article sur l'itinéraire d'un soldat alsacien de 1935 à 1945, nous faisons ici un gros plan sur le journal de marche du 56 Régiment d'Infanterie en 1939/1940.

Insigne du 56 RI
Insigne du 56 RI

La mobilisation

A la mobilisation générale ordonnée le 2 septembre 1939, le 56ème Régiment d’Infanterie va se reconstituer à Macon, au Centre Annexe d’Infanterie n°82.

Les noyaux actifs sont en place depuis trois jours. Officiers et sous-officiers proviennent du 134ème Régiment d’Infanterie, de la 4ème demi-brigade de chasseurs, de l’Ecole Militaire d’Autun et du Service de l’Instruction Physique. Ce noyau sera complété quelques jours plus tard par des élèves des Ecoles Militaires promus sous-lieutenants.

Dès le premier jour de la mobilisation, officiers et hommes des réserves rejoignent le Centre. Les arrivées se succèdent sans interruption, suivant les prescriptions du fascicule de chacun.

Tous s’attellent à la tâche car le régiment doit être sur pied le cinquième jour de la mobilisation. L’organisation des unités, réparties dans différents cantonnements à l’intérieur de la ville, les distributions de tous ordres, les réquisitions de chevaux, voitures automobiles et de matériels divers s’effectuent sans heurts, grâce à l’activité et au dévouement de tous.

Le 56ème est prêt dans les délais qui lui ont été impartis. Cependant, deux jours supplémentaires lui sont accordés. Ils sont employés à parfaire certaines opérations et à remédier à quelques détails.

Le régiment fait partie de la 16ème Division avec les 29ème, 89ème Régiment d’Infanterie, 37ème, 237ème RAD et 19ème GRD.

La Division est sous les ordres du général de l’armée coloniale MARQUIS, le colonel BURTHEY commande l’infanterie.

Le régiment compte à l’effectif 81 officiers, 360 sous-officiers, 2 500 hommes et 330 chevaux. Il dispose de trains mixtes : autos et hippomobiles.

Son encadrement et sa constitution sont les suivants :

ETAT-MAJOR :

  • LCL BOURQUIN, commandant le régiment ;
  • CDT LIMOGE, chef d’état-major ;
  • LTN JOURNET, officier de renseignement ;
  • LTN POULET, officier des détails ;
  • Médecin Capitaine METTETAL, médecin-chef ;
  • CNE BERNO, officier adjoint ;
  • LTN LEQUIN officier de liaisons ;
  • Dentiste Lieutenant TRABUC ;
  • Adjudant-chef de musique RICHARD.

Compagnie de COMMANDEMENT :

  • CNE BOUQUET, commandant ;
  • LTN LARNAC, chef des transports ;
  • LTN JEANNIN-NALTET, pionniers,
  • LTN RENAUD, motocyclistes.

Compagnie R.E (Régimentaire d'Engins) :

  • 1er BATAILLON : 1ère, 2ème, 3ème Cie et 1ère Compagnie d’accompagnement
  • 2ème BATAILLON : 5ème, 6ème, 7ème Cie et 2ème Compagnie d’accompagnement
  • 3ème BATAILLON : CBA CLAVE, commandant le bataillon ; CNE RAYNEAU, capitaine adjudant-major ; LTN BARBIER officier des transmissions;  Médecin-Lieutenant VERNUSSE.

9ème Compagnie :

  • CNE RAYNEAU, commandant
  • LTN SAVARE
  • SLT COURCENET
  • ASP GRUERE.
  • 10ème; 11ème Cie, 3ème Compagnie d’accompagnement, Compagnie Hors Rang (HR).

Les deux tiers de l’effectif et les officiers de réserve proviennent du département de Saône-et-loire ; le dernier tiers est fourni par les recrutements de Lyon, Bourg et Nevers. Une centaine d’hommes viennent du recrutement de Valenciennes.

Deux officiers ont appartenu au 56ème pendant la Grande Guerre : le CDT CLAVE et le CNE LEFRANC. Ils forment le trait d’union entre l’ancien et le nouveau 56ème.

Enfin nombreux sont les hommes dont les pères sont tombés sous les plis du drapeau du régiment.

Après la revue du régiment mobilisé, passée par le Colonel, le régiment quitte Mâcon le 9 septembre, à partir de 16h30. 

LE SECTEUR FORTIFIÉ DE HAGUENAU

De septembre à décembre 1939

Formant quatre trains, le régiment est dirigé par Bourg, Besançon, Lure et Arches sur Rambervilliers, puis de là par le tunnel de Saales sur la vallée de la Bruche où ses premiers éléments débarquent en gare d'Urmatt, le 10 septembre dans la soirée.

Les trains automobiles font étape par route sous le commandement du capitaine adjoint au colonel.

Le 12 septembre, le régiment est regroupé à Oberhaslach; son 3ème bataillon est à Gresswiller, il se portera un jour plus tard à Dorlisheim.

le 14 septembre le régiment gagne, par Mutzig, le débouché des Vosges et occupe Dorlisheim avec l'état-major et le 3ème bataillon, Griesheim avec le 1er bataillon et la Cie R.E., Altorf avec le 2ème bataillon, à l'aile gauche de la division dont le Q.G. est à Rosheim.

Il stationne dans cette région pendant une dizaine de jours, lesquels constituent une période de mise en mains. Les cadres y prennent un contact étroit avec leurs hommes. On procède au perfectionnement de l'instruction dans toutes les branches. Le régiment commence à s'y créer une âme.

Fin septembre, la division est alertée et se porte vers le nord. Le régiment, par une marche de nuit de 32 kilomètres gagne les gîtes d'étapes de Duntzenheim et de Gougenheim et, le même jour, embarqué en camions, est transporté au camp de Bitche.

La Division doit relever la 15ème DI en ligne au nord de Bitche. Le colonel effectue la reconnaissance du sous-secteur que doit occuper le régiment. Toutes les dispositions sont ensuite arrêtées pour effectuer le mouvement. Ce dernier n'a pas lieu. la Division se porte dans la région au nord de Haguenau en vue d'une prochaine entrée en secteur.

Le 56ème quitte le camp de Bitche et gagne Philippsbourg où il stationne deux jours puis, par étape de nuit, rejoint la vallée de la Sauer et vient cantonner dans les villages de Gunstett, Biblisheim, Durrenbach et de Morsbronn.

Le stationnement du régiment est vite abrégé. Le 8 octobre, la division occupe le large secteur de Pechelbronn. Le 56ème tient le sous-secteur de Langensoulzbach. Le P.CP est installé dans ce dernier village. Le 1er bataillon est à Nehwiller, le 2ème à Niederbronn, le 3ème à Langensoulzbach et Goersdorf. La Cie H.R. est à Reichshoffen.

Devant eux s'étalent les ouvrages de la ligne Maginot tenus par le 165ème RIF au delà de laquelle sont installés les avant-postes dans le voisinage immédiat de la frontière.

Il faut alors entreprendre les travaux d'organisation d'une ligne d'arrêt et d'une ligne anti-chars. Ces travaux vont faire l'objet de l'activité des unités pendant tout le séjour.

Devant nous, les Allemands procèdent à des travaux analogues. Les observatoires signalent l'activité de chantiers de tous genres et la pose de mines le long de la frontière. Nos patrouilles réussiront à déceler un chapelet de mines et à le faire sauter.

L'ennemi pousse des patrouilles à travers la région, qui est particulièrement boisée, et essaient de tâter la ligne Maginot. Un accrochage se produit dans le voisinage de l'observatoire du Schaufelshalt, au nord de Lembach. Un peloton du GRD, qui tient les avant-postes de ce côté, est assailli et, presque encerclé, parvient à se dégager. Les Allemands sont particulièrement actifs à l'aile droite du sous-secteur, vers Wingen. Ils font, par ailleurs, une propagande effrénée au moyen de haut-parleurs pour inciter les Français à cesser les hostilités.

Dans tout le secteur, on travaille fiévreusement aux organisations sous un ciel pluvieux et dans la boue.

 

Fin octobre, le régiment est relevé par la 25ème demi-brigade de chasseurs et vient reprendre, approximativement, ses cantonnements autour de Gunstett. Instruction et remise en état des matériels absorbent les quelques jours passés derrière les lignes. Le 17 novembre le régiment remonte en secteur et relève le 89ème RI. Le 3ème bataillon est poussé aux avant-postes en avant de la ligne fortifiée sur la haute Lauter, entre Climbach et Roth. Le 2ème bataillon tient la ligne d'arrêt entre la ferme de l'Altmuhl et le col de Weep; le 1er bataillon est en réserve à Lampertsloch, la Cie R.E. est répartie entre les bataillons, la Compagnie H.R. est à Lobsann avec le poste de secours régimentaire. Le P.C. fonctionne à la Maison forestière de Marienbronn. Les bataillons vont se succéder sur les diverses positions.

Le sous-secteur est dominé par le gros ouvrage du Hochwald, véritable forteresse aux structures profondes et étendues, dotée d'une forte garnison, à cheval sur la crête des basses Vosges et formidablement armée. Les troupes de forteresse qui l'occupent ont un moral très élevé et ont, comme sur toute la ligne d'ailleurs, une confiance absolue dans la valeur de leurs ouvrages.

Ici encore les travaux d'organisation des différentes lignes de défense sont activement poussées. P.C. de combat, abris et communications font l'objet des travaux.

De son côté, l'ennemi ne reste pas inactif. De l'observatoire de secteur de la tour de Scherhol, au nord de Rott, on signale des travailleurs en action sur la crête du Landsberg et des mouvements de fractions entre les bois de la crête des Marronniers et la ferme de Langenberich. Les compagnies du 3ème bataillon tiennent les points d'appui : de la maison forestière de Scherhol pour la 9ème Compagnie qui détache au-dessous d'elle, dans le village de Weiler, une section, laquelle surveille le passage de la Lauter.

La 10ème compagnie tient le col du Pigeonnier, la 11ème est à Climbach. Elles détachent en avant d'elles des postes de groupes ou de sections. Ces éléments, lancés en pleine forêt, sont éloignés les uns des autres et exposés à la surprise et même à l'enlèvement. Les hommes font toutefois bonne garde et, dans ses tentatives, les Allemands en seront pour leurs frais. Dans chaque bataillon, il est procédé à la mise sur pied de groupe francs, composés de volontaires et qui vont opérer aux avant-postes. Le secteur de la Division est plus particulièrement agité, face à Wissembourg. La hauteur de Geisberg est soumise aux feux de l'artillerie allemande.

Des deux côtés on s'épie. L'Allemand multiplie ses patrouilles. Il est évident qu'il cherche à déterminer notre ligne d'avant-postes et à pousser jusqu'aux ouvrages. Ses éléments de reconnaissances sont composés vraisemblablement de gens connaissant bien le pays ou guidés par des habitant du voisinage de la frontière. Accompagnés de chiens, disposant d'un équipement spécial, ils s'infiltrent par les larges intervalles qui séparent nos postes et, à la faveur des bois, s'approchent des ouvrages et savent éviter les embuscades.

Des incidents ne vont pas tarder à se produire.

Au cours de la deuxième semaine de novembre, un poste de la 6ème Cie, composé d'une section commandée par le LNT DUBOIS, occupant la maison forestière de Climbach, est assailli par quelques patrouilles hardies. Arrêtées par le réseau qui entoure la maison, et par les feux qui partent de la maison, ils couvrent celle-ci de grenades sans pouvoir, toutefois, forcer la garnison. En même temps, le village de Climbach est tâté de différents côtés. Un tir des tourelles d'artillerie du Hochwald met fin à l'action qui s'est déroulée de nuit. Nous ne subissons pas de pertes. On ne trouve de trace de l'ennemi que par les nombreux éclats de grenades lancés en chapelets. On constate qu'il ne laisse aucun indice derrière lui : blessés ou tués sont relevés, les étuis de cartouches sont recueillis dans des dispositifs spéciaux, etc. C'est là la marque de troupes parfaitement dressées et d'actions de détail soigneusement préparées.

Le 3 décembre, vers 16h00, une "Stosstrupp" d'environ cent cinquante hommes descend des positions allemandes sur le village de Weiler et attaque le point d'appui de la 5ème Cie, section commandée par le SLT SARTRE. Ce dernier ne s'en laisse pas imposer. Encerclé en même temps qu'un de ses groupes retranché à l'extérieur et commandé par le CAP BASSY, il se défend vigoureusement. Le groupe franc, sous la conduite du SLT LALLEMENT, part à la rescousse, mais gêné par les feux qui partent de la crête occupée par la 5ème Cie, il ne peut faire sentir son action. Il recueillera cependant la section SARTRE qui, réussissant à se dégager, rejoindra sa compagnie.

L'artillerie du Hochwald est intervenue, l'ennemi n'a pas insisté. Il ne renonce cependant pas à ses entreprise, car vers minuit, cheminant à travers les bois qui couvrent les pentes descendant sur la Lauter, il parvient à la crête de Scherhol et attaque le point d'appui de la 5ème Cie. Une lutte confuse se déroule. La fusillade crépite. Le CBA MITTLER est autorisé par le colonel à disposer d'une compagnie du 223ème RI, destinée à la relève de la 5ème Cie, et qui se trouve précisément au PC du bataillon à Cleebourg. La compagnie intervient par le village de Rott. Les Allemands n'attendent pas et se replient. Cette petite affaire nous coûte un blessé. Comme d'habitude, il ne reste rien du côté allemand. La section SARTRE réoccupe Weiler au point du jour. Des mouvements étant signalés dans le hameau de Saint-Germanshof (Allemagne), le colonel le fait bombarder par les tourelles du Hochwald.

Carte Michelin du Nord Alsace - secteur Wissembourg, 1939
Carte Michelin du Nord Alsace - secteur Wissembourg, 1939

Repos du 5 décembre 1939 au 15 février 1940

Dans les environs de Brumath, début 1940
Dans les environs de Brumath, début 1940

La Division est relevée dans la nuit du 4 au 5 décembre par la 70ème DI. Cette opération s'effectue sans incidents.

Le séjour dans ce secteur a été marqué par l'exécution d'important travaux défensifs en liaison avec le 22ème RIF et l'artillerie. De gros chantiers d'abattis dans la vallée du Schmelzbach, au sud de Pfaffenbronn, ont permis le dégagement des champs de tir des ouvrages ouest du Hochwald et des liaisons de feux plus serrées avec l'ouvrage du Four-à-chaux, au sud de Lembach. Enfin, le contact de l'ennemi, les petites escarmouches ont aguerri la troupe.

Le 56ème vient occuper, pour une période de repos, une zone de cantonnements au nord-ouest de Brumath. L'état-major et la moitié du 3ème bataillon sont à Ohlungen, à l'ouest d'Haguenau, la 9ème Cie et la Cie A.B. 3 à Wintershausen (Wintershouse), l'état-major du 1er bataillon, la 1ère Cie, la Cie A.B. 1 et la Cie R.E. à Batzendorf. Le 2ème bataillon, moins la 5ème Cie, sont à Wahlenheim, les 2, 3 et 5ème Cie sont à Brumath où est installé le Q.G. de la Division, la Cie H.R. est à Bernolsheim. Le régiment est donc stationné sur une profondeur de 10 kilomètres.

La période de repos ira jusqu'au 15 février 1940. Ce sera la période des mutations pour nombre de personnels (entre autre le général MARQUIS est remplacé par le général MORDANT); l'hiver rigoureux fait son apparition et il faut entreprendre des travaux. L'instruction est reprise. Présentation du drapeau du régiment aux bataillons, cérémonie que les circonstances n'ont pas permise jusqu'ici. Les permissions de détente sont intensifiées. Le régiment reçoit un renfort de cent cinquante hommes de la 16ème Région.

Cette période de demi-inaction pèse sur tous. L'annonce d'une prochaine rentrée en ligne est saluée par tous. Il s'agit au cours du mois de janvier de faire glisser la division vers l'ouest et de gagner une zone de cantonnement occupée par la 35ème DI en vue d'une relève dans le secteur de Bitche qui est, d'ailleurs, quelque peu agité.

Le colonel va prendre contact avec le colonel commandant le 11ème RI qu'il doit remplacer. 

Les ordres préparatoires sont donnés mais le mouvement est retardé en raison de l'état des routes car le froid est toujours aussi vif.

Dans le courant du mois de janvier une revue est passée à Brumath par le général BOURRET, commandant l'Armée, et à laquelle participent des détachement de tous les corps de la Division. C'est le 1er bataillon qui y représente le régiment.

Cependant il faut bien relever les unités en ligne depuis longtemps, et, malgré la température toujours inclémente, la 16ème DI reçoit l'ordre de remplacer la 23ème DI dans le secteur Lauter-Rhin.

Carte Michelin Nord Alsace - secteur Haguenau, 1939
Carte Michelin Nord Alsace - secteur Haguenau, 1939

DU 15 FÉVRIER AU 13 MAI 1940

Le mouvement commence le 15 février 1940 par le 1er bataillon qui gagne le gîte d'étape de Schirrhein, et le 16 Oberseebach (sans doute Seebach) où il relève un bataillon du 32ème RI. En même temps la 11ème Compagnie va relever sur les bords du Rhin la compagnie du 32ème RI qui y tient les avant-postes.

Le 17 février le gros du régiment fait mouvement et rejoint ses emplacements. Le P.C. est à Schirrhoffen avec la compagnie de commandement, le 3ème bataillon à Sessenheim, le 2ème à Bischwiller. La Cie R.E., moins ses éléments anti-chars qui ont été joints au 1er bataillon, est à Schirrhein avec le poste de secours régimentaire; la Cie H.R. stationne en arrière, au camp d'Oberhoffen.

Le sous-secteur occupé par le 56ème est appuyé au nord à la forêt de Haguenau qui est coupée dans sa partie est par la ligne Maginot et, au sud, à la Moder. Il fait face au Rhin et comprend les ouvrages de Rountzenheim, Auenheim (sud et nord), de Stattmatten et de Fort-Louis, où il prend liaison avec le secteur de Strasbourg. Trois ouvrages de berge surveillent le Rhin à Beinheim, Neuhausel et Fort-Louis; tous sont tenus par le 68ème RIF.

Comme dans tous les secteurs les villages situés en avant de la ligne fortifiée ont été évacués de leurs habitants dès la mobilisation. Les troupes de forteresse y ont entrepris de sérieux travaux d'organisation qui vont d'ailleurs continuer.  C'est ainsi que Rountzenheim, Auenheim, Stattmatten, Dengolsheim vont devenir de véritables petites forteresses. Il est à remarquer que les unités de forteresse ont un moral particulièrement élevé et ont une confiance absolue dans la valeur des organisations qu'elles ont mission de tenir et de défendre. En outre, une bonne partie de leurs effectifs est de la région même et connaît parfaitement le pays.

De l'autre côté du fleuve les ouvrages allemands, gros cubes de béton, s'alignent séparés par des intervalles de deux cents mètres. Tant à l'est qu'à l'ouest les rives sont marécageuses et le Rhin n'est traversé dans le sous-secteur que par un seul pont qu'utilisait la voie ferrée de Strasbourg à Rastatt. Détruit par le génie de l'armée, son tablier est coupé en deux parties. Il est défendu, sur la berge française, par un blockhaus flanqué par l'ouvrage de berge de Beinheim.

La compagnie d'avant-postes occupe les villages de Roeschwog et de Roppenheim. Elle organise et détache des postes d'écoute et de surveillance sur le bord du Rhin.

En dehors du 68ème RIF et d'un groupe du 37ème RAD, le colonel ne dispose que de deux bataillons du régiment. Le bataillon détaché sur la Lauter à la position dite "de sûreté" opère dans un autre sous-secteur. Il est ainsi réparti : son P.C. est à Oberseebach (Seebach), ses compagnies tiennent la ligne des villages face à la fôret du Mundat : Geisterhof, Salmbach, Schleithal, Frohnackerhof. Elles détachent des postes sur les bords de la Lauter au contact des fortifications ennemies dans la forêt du Mundat. Ces postes éloignés les uns des autres, séparés par la masse boisée, sont dans l'incapacité de s'appuyer réciproquement. Les groupes francs du régiment et du 29ème RI sont réunis pour former une section qui opérera entre ces postes.

Derrière la ligne de sûreté sont installés des avant-postes sur une ligne générale: crêtes au sud d'Oberseebach, Aschbach, Trimbach, Siegen, Nehwiller. Les deux lignes sont sous le commandement du colonel commandant l'ID.

 

Fin février 1940, la température s'adoucit un peu. L'activité va reprendre partout après avoir presque complètement cessée pendant les grands froids : remise en état des routes fortement endommagées par le gel, camouflage des communications (en vue des observatoires ennemis des premières pentes de la forêt Noire), travaux sur les lignes d'arrêt et de soutien.

Le 56ème travaille ferme pour barrer la plaine qui s'étend entre la forêt et la Moder.

 

Vers le 10 mars, le 1er bataillon est relevé par le 3ème. Il vient à Soufflenheim où il est mis à la disposition du sous-secteur voisin pour travailler aux organisations intérieures de la forêt. Le 2ème bataillon se porte de Bischwiller à Sessenheim et fournit les avant-postes sur le Rhin.

La propagande allemande se manifeste, à ce moment, par de larges panneaux tendu au pont du chemin de fer de Beinheim, portant des inscriptions incitant nos hommes "à ne pas se sacrifier pour l'Angleterre". De petits projectiles en carton sont lancés par mortiers de la rive allemande et contiennent des opuscules composés de photographies montrant la puissance de l'industrie allemande et l'importance de la ligne Siegfried.

Travaux et relève se succèdent avec le même rythme; l'activité est grande dans tout le secteur. Un détachement de la marine britannique arrive à Soufflenheim. Chaque nuit, pendant un mois, il procédera au lancement de mines flottantes dans le Rhin, au confluent de celui-ci et de la Moder.

 

A partir du mois d'avril, les observatoires signalent, chaque nuit, un trafic intense sur les voies ferrées de la rive est. Il ne semble pas, d'autre part, que l'occupation des ouvrages ennemis soit très dense.

A son tour, le 2ème bataillon va tenir sur la ligne de sûreté de la Lauter, le 3ème revient à Sessenheim et sur le Rhin.

Le corps d'officiers subit de nouvelles amputations. En vertu d'une décision ministérielle, les officiers subalternes de réserve ayant atteint l'âge de 40 ans rentrent à l'intérieur. Dans le sous-secteur, le 19ème GR prend part au service des avant-postes. il sera remplacé, dans la suite, par le 51ème GRCA.

 

C'est ainsi que le mois de mai 1940 arrive. L'artillerie allemande intensifie son action au nord du secteur. La colline du Geisberg, Siegen et Nehwiller sont bombardés. Notre artillerie répond. Une section du 37ème RAD, en position à Oberseebach, est particulièrement prise à partie; ses officiers et le personnel des pièces sont tués ou blessés. Nous sommes à la veille du 14 mai 1940.

Carte Michelin Nord Alsace - secteur Haguenau/Rhin, 1939
Carte Michelin Nord Alsace - secteur Haguenau/Rhin, 1939

DU 14 MAI AU 24 MAI 1940

Le 14 mai 1940, l'ennemi prend l'offensive. Débouchant des bois à l'est d'Altenstadt, il fonce sur la gauche du bataillon du 29ème RI, qui a relevé le 2ème bataillon sur la position de la Lauter. La situation est un moment critique, mais elle est rétablie par l'intervention du Corps franc du LTN LALLEMENT. Le commandement décide alors de replier les éléments de sûreté. La ligne des avant-postes va se trouver au contact immédiat de l'ennemi. Celui-ci, exploitant son demi-succès, progresse au sud de la forêt du Mundat, occupe la ligne des villages et se heurte à nos éléments. Quelle que soit la puissance des attaques qui pourront suivre, les Allemands ne passeront pas, étant donnée la valeur des travaux effectués, la puissance de la ligne Maginot et le moral élevé des troupes.

 

Les nouvelles qui parviennent des autres parties des fronts ne sont pas rassurantes. On apprend que les Allemands sont entrés en Belgique. On sent, confusément, que les choses ne vont pas de ce côté. Nous battrons-nous ici ou bien aura-t-on besoin de nous ailleurs ?

En attendant, les bombardements s'intensifient. L'aviation ennemie, qui s'était bornée jusqu'ici à un rôle de simple observation, attaque les localités. Des bombes sont jetées sur le village de Schirrhein, atteignant le poste de secours. Il n'y a, heureusement, pas de victimes parmi les militaires, mais un civil est tué et une jeune fille blessée. L'ouvrage nord d'Auenheim est atteint également, un soldat est tué. La ville de Haguenau ainsi que la gare et le camp d'Oberhoffen sont bombardés par l'artillerie lourde allemande.

Toutes les localités sont alors évacuées par la troupe. P.C., abris et emplacement de combat sont occupés.

Le P.C. du régiment fonctionne dans la forêt, le 3ème Bataillon prend ses emplacements dans le bois de Sessenheim, dont l'organisation est à peu près terminée. La Cie HR évacue le camp d'Oberhoffen et se porte à Kaltenhouse où les tirs de l'artillerie allemande l'obligent à déguerpir et à gagner Marienthal. On commence à vider la ville de Haguenau de sa population.

Alors que sur le Rhin les Allemands restent dans l'expectative, ils agissent au nord. Fixant la ligne des avant-postes à l'ouest et au centre, appuyés par le feu de leurs ouvrages, ils progressent dans le voisinage du Rhin.

 

Le 15 mai, refoulant nos éléments de Neewiller-Wintzenbach, Mothern et Munchhausen, ils arrivent, à la faveur du terrain couvert, à l'est de Seltz. Ils se heurtent là à l'inondation et à une casemate de berge tenue par un groupe de combat du 68ème RIF. Cette casemate n'a, comme communication avec l'arrière, qu'un petit chemin qui, à ce moment, est menacé par l'inondation. L'ennemi l'encercle pendant près de deux jours; elle peut, cependant, être dégagée. Elle est attaquée à nouveau mais tient ferme.

Les renseignements sur la situation générale sont des plus préoccupants. Les Allemands ont envahi notre territoire et on ne sait ce qui se passe en Belgique. Le général de division en informe le colonel, lui prescrivant de se tenir prêt à toute éventualité. Toutes les unités sont alors alertées pour se trouver en mesure de faire mouvement au premier signal.

 

Le 24 mai 1940 l'ordre de départ est donné. Le régiment sera remplacé par des éléments du 223ème RI.

La situation du 56ème est alors la suivante :

Le 1er bataillon est à Beinheim et Seltz, le 2ème bataillon sur la ligne des avant-postes, le 3ème bataillon dans les bois de Sessenheim, la Cie RE à Schirrhein. L'opération de relève a lieu au moment d'une poussée ennemie à l'est. Pour la juguler, la 3ème Compagnie fait sauter le pont qui, a Seltz, traverse la Sauer. Les Allemands subissent des pertes.

Par une marche de nuit, le Régiment gagne une zone de stationnement préparatoire à un embarquement en chemin de fer, au nord-est de Brumath. L'etat-major et les éléments régimentaires se portent à Weitbruch, avec le 1er bataillon, le 2ème bataillon est stationné à Gries, le 3ème à Kurtzenhouse.

Les routes sont sillonnées par les habitants des villages de la zone que nous venons de quitter. Nous voyons passer, le cœur serré, tous ces Alsaciens qui nous ont toujours si affectueusement reçus, gagnant, qui à pied, qui en carriole, avec un mince bagage, la gare qui leur a été assignée, laissant derrière eux tout ce qui représente une vie. Aucune plainte ne sort de leur bouche, il comprennent les nécessités de l'évacuation.

REPLI VERS LA RÉGION PARISIENNE

DU 25 MAI AU 1 JUIN 1940

Le 25 mai à 3 heures, le régiment est arrivé dans ses cantonnements. Il reçoit aussitôt l'ordre d'étudier l'installation d'un barrage anti-chars, face à la plaine du Rhin. Les cadres procèdent aux reconnaissances et aux travaux préparatoires. L'affaire est en bonne voie, on se tient prêt à passer à l'exécution lorsque arrivent les ordres pour le départ.

Le régiment s'embarquera, le lendemain, en gare de Brumath; il n'est pas question de destination. Les trains automobiles feront étape par route. Nos pauvres camionnettes de réquisition sont bien fatiguées. C'est à l'activité du SLT ELIZON et à sa belle équipe de dépannage, qui a travaillé sous des froids de près de 20°, que nous devons d'en avoir conservé la plus grande partie. Malgré les longues journées de route , elles arriveront au complet.

On laisse à Weitbruch tout ce qui n'est pas nécessaire à la bataille et à l'entretien de la troupe et, le 27 au matin, le premier train comprenant l'état-major et la compagnie de pionniers divisionnaire quitte Brumath en direction de Saverne. Où allons-nous ? Nul ne le sait. Des tuyaux de cuisiniers affirment que nous roulons dans la direction d'Amiens. Ils se révéleront exacts.

Nous traversons le tunnel et la gare de Saverne et, par Sarrebourg, gagnons Nancy, puis Neufchâteau, où la Croix-Rouge nous fait un accueil affectueux. Nous croisons là un train de troupes polonaises qui se dirige vers l'est.

A Saint-Florentin, le train emprunte la ligne du P.-L.-M. et, par Fontainebleau, nous gagnons Creil. Là, le colonel reçoit d'un officier de l'état-major de la Division l'indication des points de destination du régiment. L'état-major et les éléments régimentaires se porteront, après débarquement, à Lignières, le 1er bataillon à la Boissière, le 2ème bataillon à Davenescourt, le 3ème bataillon à Becquigny. La gare de débarquement est celle de Maignelay.

La distance de Creil à Maignelay est à peu près de quarante kilomètres et, cependant, il faudra plus de quatre heures pour la couvrir. Tout le long de la voie, les fils télégraphiques pendent lamentablement, le terrain est moucheté d'entonnoirs profonds, la voie elle-même a été atteinte. Dans cette région, les aviateurs ennemis s'en sont donné à cœur joie.

Le train avance lentement, s'arrêtant fréquemment, quelquefois pendant une heure. Tous épient le ciel, une attaque aérienne risquerait d'obtenir sur nous de tristes résultats. Heureusement, rien ne se produit.

A 20 heures, la gare de Maignelay est atteinte. C'est une modeste station qui ne dispose que d'un quai minuscule et pour comble est privée de son personnel.

Il fait nuit, le débarquement des hommes, chevaux et voitures s'opère avec les moyens du bord. On se met ensuite en route et, par Montdidier, on arrive à Lignières à 2 heures, le 28 mai 1940.

Les bataillons et la Cie HR formant quatre trains ont quitté Brumath aux heures fixées et par le même itinéraire - joignent leurs lieux de stationnement.

Le voyage ne s'est, toutefois, pas effectué sans incidents. Le dernier convoi, transportant la Cie HR, a subi une attaque aérienne dans le voisinage de Mommenheim, à 4 kilomètres de Brumath. Le mécanicien a été tué sur sa machine et le train a été arrêté. Deux hommes ont été tués et plusieurs blessés. La section de mitrailleuses de protection, sous une pluie de balles, a fait bravement son devoir et abattu un appareil ennemi.

On s'installe, tant bien que mal, dans les villages évacués.

Le Régiment reçoit le capitaine TERRAS, venant du C.I.D., il prend le commandement de la 11ème Compagnie.

La Division, en cours de débarquement, est pour l'instant en réserve générale prête à intervenir.

Nous apprenons que les Allemands, franchissant la Meuse vers Sedan, ont foncé au travers du nord de la France et atteint la côte de la Manche, nos armées de Belgique sont isolées et l'ennemi est à Amiens.

Pour parer à toute éventualité, on prépare la défense de la ligne de l'Avre. Mais ce n'est pas là que nous sommes appelés à nous battre.

Le colonel reçoit l'ordre de se rendre à Essertaux pour y prendre contact avec l'état-major de la 7ème Division Coloniale en vue d'une relève imminente.

Après avoir reçu les indications du général NOIRET, commandant cette division, il se porte à Rumigny, où se trouve le P.C. du colonel commandant le 7ème RIC qu'il doit remplacer. Il étudie avec cet officier supérieur le dispositif du sous-secteur que le régiment est appelé à occuper.

La 7ème DIC, appelée de Lorraine, a livré plusieurs combat et a refoulé les Allemands qui s'étaient avancés jusque dans la région de Poix. L'ennemi s'est cramponné aux crêtes qui couvrent Amiens vers le sud et, malgré les sacrifices consentis par les coloniaux, il a pu s'y maintenir. Ces derniers ont, cependant, repris le gros village de Dury, véritable bouchon sur la grand route d'Amiens à Paris.

L'ordre de relève arrive le soir même. Les bataillons seront enlevés le lendemain 30 mai, en camions, à destination du secteur d'Amiens.

Au moment où le régiment va entrer dans la bataille, son encadrement est le suivant :

ETAT-MAJOR :

  • LCL BOURQUIN, commandant le régiment ;
  • CDT LIMOGE, chef d’état-major ;
  • LTN JOURNET, officier de renseignement ;
  • LTN POULET, officier des détails ;
  • Médecin Capitaine METTETAL, médecin-chef ;
  • CNE BERNO, officier adjoint ;
  • LTN LEQUIN officier de liaisons ;
  • Dentiste Lieutenant TRABUC ;
  • Adjudant-chef de musique RICHARD.

Cie de COMMANDEMENT :

  • CNE LEFRANC, commandant ;
  • LTN MOREAU, pionniers,
  • ADC LOUET, transmissions ;

Cie R.E.:

  • LTN ROUSSET, commandant ;
  • SLT MOREL.
  • 1er BATAILLON : 1ère, 2ème, 3ème Cie et 1ère Compagnie d’accompagnement ;
  • 2ème BATAILLON : 5ème, 6ème, 7ème Cie et 2ème Compagnie d’accompagnement ;
  • 3ème BATAILLON : CBA CLAVE, commandant le bataillon ; CNE RAYNEAU, capitaine adjudant-major ; LTN BARBIER officier des transmissions; Médecin-Lieutenant BRASSEUR.

9ème Cie :

  • CNE COURCENET, commandant
  • SLT GRUERE.
  • 10ème; 11ème Cie, 3ème Compagnie d’accompagnement, Cie HR.

L'effectif en sous-officiers et hommes de troupe est de 2 200 hommes environ.

L'embarquement a lieu dans chaque cantonnement et les débarquement sont effectués : pour les éléments régimentaires et les 1er et 3ème bataillons, sur la route de conty à Ailly-sur-Noye, à l'abri de l'écran formé par les bois de Lozière et Desramée; pour le 2ème bataillon, à Berny-sur Noye. La Cie HR, qui s'est déplacée par ses propres moyens, se rend à Lawarde-Mauger (code postal 80250), où elle séjournera pendant les combats qui vont bientôt s'engager.

Leurs unités à terre, les commandants de bataillons vont reconnaître les quartiers qu'ils vont occuper et prendre les consignes auprès des éléments correspondants du 7ème RIC.

Les reconnaissances terminées, le régiment monte en secteur et les opérations de relève, qui se déroulent sans incidents, sont terminées le 1er juin, à 4h30.

DU 1 AU 5 JUIN 1940

La division tient un front d'une douzaine de kilomètres, entre la Selle, à l'ouest, et la Noye, à l'est. Elle est en liaison à l'est avec la 4ème Division Coloniale et , à l'ouest, avec la 13ème Division.

La partie du secteur tenue par le 56ème s'étend entre la grand route d'Amiens à Paris incluse et celle d'Amiens à Mondidier exclue.

Le terrain sur lequel le régiment est appelé à opérer forme, dans le sens de l'horizon, deux compartiments séparés par le massif du Bois Impérial. Il est limité, au nord, par la crête cotée 110-102 que tient l'ennemi. Le village de Dury, le bois des Païens, le hameau de Petit-Cagny et le village de Saint-Fuscien en sont les points saillants.

Au sud du Bois Impérial, de longues croupes, aux pentes douces et herbeuses, déterminent une série de Thalwegs formant de nombreux angles morts et coupées de petits bois. On y trouve les villages d'Hébécourt au débouché du Bois Impérial, de Rumigny, de Sains et Astrées-en-Amiennois lequel, perché sur la crête où court la route de Mont-Didier, domine tout le paysage. Une longue coulée, partant de Saint-Fuscien, permet d'arriver au village de Grattepanche.

Plus au sud, une plaine légèrement ondulé est jalonnée par les localités d'Essertaux, Saint-Saufflieu, Oresmaux et Grattepanche.

Dans ces conditions, eu égard aux effectifs mis en ligne, aux moyens dont on dispose et à l'étendue du front (3 kilomètres pour deux bataillons du régiment), on formera des centres de résistance et des points d'appui en utilisant villages et bois.

Le 56ème est au centre du dispositif de la Division. Il est en liaison à gauche avec le 29ème RI qui tient le terrain entre la Selle et la route de Paris, à droite avec le 89ème RI qui occupe Saint-Fuscien, Sains (en Amiénois) et Estrées (-sur-Noye).

Le 1er bataillon forme deux centres de résistance dans le bois des Païens avec ses 1ère et 2ème Cies, renforcées de quatre pièces anti-chars et de deux sections de mitrailleuses.

La 3ème Cie, avec une section de mitrailleuses, est sur la ligne d'arrêt formée par la lisière nord-ouest du Bois Impérial.

Le P.C. du bataillon est à Petit-Cagny, avec une section et une pièce anti-chars.

A gauche, le 3ème bataillon barre la route de Paris en tenant Dury avec les 9ème et 10ème Cies, deux sections de mitrailleuses et quatre pièces anti-chars.

Sa 11ème Cie garnit la ligne d'arrêt au bois Impérial avec deux sections de mitrailleuses et deux pièces anti-chars.

Le P.C. du bataillon est installé avec le poste de secours au dispensaire de la ville d'Amiens, voisin du bois.

Le 2ème bataillon est à la disposition de la Division sur une ligne arrière. Il tient Grattepanche avec la 6ème Cie, deux sections de mitrailleuses et trois pièces anti-chars, Hébecourt avec la 5ème Cie, deux pièces anti-chars, une section de mitrailleuses, et Saint-Sauflieu par la 7ème Cie, une section de mitrailleuses et deux pièces anti-chars.

Le P.C. du régiment est à Rumigny, qui ne disposera comme garnison que de la compagnie de commandement, réduite par l'envoi de motocyclistes aux échelons supérieurs et des pionniers qui vont participer aux travaux d'organisation de l'avant.

Deux sections du Génie sont mises à la disposition du colonel pour l'obstruction des voies d'accès et la pose de mines. Elles fonctionneront l'une à Dury, l'autre à Rumigny même.

L'appui d'artillerie est fourni par le 3ème groupe du 37ème RAD qui sera doublé par un groupe de 75 porté du 306ème Régiment. Le tout formera un groupement sous les ordres du chef d'escadron commandant le 306ème. La mission donnée à tous ne comporte qu'un terme : tenir sur place. Des contre-attaques résorberont les brèches, le cas échéant.

Le général GRANSARD, commandant le corps d'armée, venu au P.C. du régiment, précise, d'une façon absolue, qu'on tiendra quoi qu'il arrive et sans esprit de repli.

Ces ordres sont communiqués à tous. Chacun est donc bien fixé. Devant nous, l'ennemi (on a identifié le I.R. 116) tient la crête 110-102 avec des avancées aux Trois-Peupliers, au nord de la Briqueterie de Dury et à la ferme de la Charmille, au nord de Petit-Cagny (hameau le Petit-Cagny). Devant la Division, il forme une large tête de pont de 6 à 8 kilomètre au sud de la Somme. 

Des témoignages de l'âpreté de la lutte qui s'est déroulée sur ce terrain, en fin mai, se retrouvent partout : cadavres d'hommes et d'animaux, caissons éventrés, chars de combat mis hors de cause, arbres littéralement arrachés.

Dès le 1er juin, une longue colonne de 1 200 personnes, conduite par une femme, se présente devant Dury. Ce sont les pensionnaires de l'asile situé sur la route d'Amiens que les Allemands évacuent en les poussant vers nos lignes. Après reconnaissance, ils sont refoulés sur Hébécourt et Saint-Sauflieu, où ces pauvres gens seront embarqués et dirigés vers l'intérieur de la France. Parmi eux se trouvent quelques militaires camouflés, échappés du repli de la 9ème Armée.

Dès ce moment, les positions sont arrosées, par intermittence, par artillerie et par mortiers. Dury et Petit-Cagny sont atteints; il y a quelques pertes.

Le 2 juin, le commandant Clave est grièvement blessé à Dury. Evacué, il décédera quelque jours plus tard à l'hôpital temporaire de Cempuis, dans l'Oise.

Chacun sent que la lutte est proche. Partout on travaille d'arrache-pied pour renforcer les positions existantes et être en mesure de recevoir l'ennemi.

Au cours des nuits, les observatoires et les écoutes de l'avant signalent des bruits de moteurs dans la direction d'Amiens. Nul doute que les Allemands opèrent le passage de la Somme.

Dans la nuit du 4 au 5 juin, toute l'artillerie du secteur ouvre le feu à 21 heures. Le capitaine Cannet, commandant le centre de résistance de Dury, peut observer un véritable manège de chars pris dans les gerbes de nos canons et qui cherchent leur salut dans la dispersion. A la vérité, il y aura, aux débouchés d'Amiens, un véritable cimetière de véhicules blindés.

MERCREDI 5 JUIN 1940

Vers 03h00, tous les secteurs sont alertés. Une descente de parachutistes est possible. Tous les emplacement de combat sont occupés.

A 04h00, un violent tir d'artillerie s'abat sur nos lignes. C'est le prélude de l'attaque. Une heure plus tard, les comptes rendus affluent au PC du régiment. L'attaque allemande est déclenchée sur tout le front. Elle est à base de chars. Nous sommes en face de la 10° panzerdivision suivie de la 29° division motorisée.

L'effort de l'ennemi semble être dirigé au début sur l'axe Dury-Essertaux.

Il attaque violemment Dury. Tandis que les colonnes de chars contournent la localité sur deux flancs, l'infanterie attaque la lisière nord. Deux sections de la 10ème Cie qui tiennent un petit bois, se défendent avec acharnement. Décimées, le commandant de ce point, le sous-lieutenant BERTRAND, tué, elles vont être débordées par l'est quand une contre-attaque d'une section de réserve, commandée par l'aspirant CALVET, leur permet de se replier sur le parc du château Duviet, en arrière. A la sortie nord du village, les Allemands ont subi un sanglant échec devant la section du sous-lieutenant FATON. Ses pertes sont telles que deux équipes de fusiliers ont dû se déplacer, à deux reprises, leur champ de tir étant masqué par l'amoncellement des cadavres. Au cours de cet épisode, le sous-lieutenant FATON est blessé. Il refuse de se laisser évacuer et conserve son commandement sous le feu (il mourra un mois plus tard des suites de sa blessure).

Face à la 9ème Cie qui tient la lisière à l'est de la grand route, les Allemands ont été également arrêtés par les feux ajustés de la section du sous-lieutenant GRUERE.

Les chars, qui ont contourné la localité, ont progressé jusqu'au Bois Impérial, non sans laisser cinq des leurs sur le terrain.

Devant le PC du bataillon, ils sont reçus par une pièce de 25mm qui en met deux hors de combat. Le chef de cette pièce, le sergent PUTIGNY, est tué sur le canon. Les blindés bombardent le dispensaire rempli de blessés; les victimes sont nombreuses.

Vers 10h00, la fusillade se calme. une patrouille de contact, sous les ordres de l'intrépide sergent BARMONT, lancée au nord de Dury, constate que l'infanterie ennemie a regagné sa base de départ. 

Au Centre du sous-secteur, les blindés qui ont contourné Dury par l'est, fractionnés en deux colonnes tâtent la partie ouest du bois des Païens. Deux d'entre eux sautent sur les mines, les autres mitraillent les lisières. Un canon de 25mm détruit trois chars, un canon de 47mm en batterie face à l'ouest en met quatre hors de combat. Face à la lisière, d'autres blindés, sortant du ravin de la Charmille, se portent sur le bois; ils sont suivis par l'infanterie en petites colonnes, suivies de pièces attelées. Mitrailleuses, fusil-mitrailleurs et mortiers entrent alors en action; l'ennemi est cloué au sol à moins de quatre cents mètres des lisières, non sans avoir subi de lourdes pertes. 

Plus à droite, les chars pénètrent le sous bois dans le dispositif de la 2ème Cie et annihilent la section du sous-lieutenant HUGO. A l'accalmie de 10h00 le commandant de la 2ème Cie en profite pour reprendre contact avec la 1ère, mais son effectif est considérablement diminué.

Au nord de Saint-Fuscien, vers 07h00, une vingtaine de chars se dirigent sur Petit-Cagny. Se scindant en deux colonnes, l'une d'elles suit la lisière est du bois des Païens pour s’infléchir ensuite entre ce dernier et le bois Impérial, l'autre fonce droit sur le hameau. Il y'a là cinq chars qui sont assez rapidement immobilisées, ce qui n'empêche pas deux d'entre eux de canonner Petit-Cagny et mettre le feu à quelques granges et écuries.

Les munitions commencent à s'épuiser. Des demandes de ravitaillement sont adressées au PC du régiment. Il y a là six chenillettes chargées à plein que l'adjudant-chef PERRAULT dirige immédiatement sur le PC de l'avant. Elles réussiront à atteindre ces derniers en se faufilant au travers des chars ennemis, mais certaines ne reviendront pas, ayant été détruites ou leurs conducteurs ayant trouvé la mort.

Vers 10h00, l'accalmie se produit, également, de ce côté, mais deux chars allemands, de la vague d'attaque, qui longeaient les maisons, sont détruits, l'un par le canon de 37mm, l'autre par le fusil anti-chars Boyt.

Dans le secteur du 89ème RI, la lutte fait rage. Une fusillade intense crépite à Saint-Fuscien, où des maisons flambent.

En arrière, le 2ème bataillon va se trouver, lui aussi, aux prises avec l'ennemi. Vers 07h00, des chars venant vraisemblablement de la direction de Fuscien - Petit-Cagny, en utilisant la coulée du grand ravin, apparaissent devant Grattepanche et attaquent le village. Un canon de 37mm ouvre le feu mais est écrasé aussitôt.

Les blindés, renforcés par des éléments venant de la direction de Sains, contournent Grattepanche par le sud. L'un d'eux est détruit par une pièce de 75mm. Ils pénètrent dans le village dans lequel vont se dérouler des luttes locales.

Au nord du pays, d'autres chars prennent une batterie du 37ème RAD à revers en utilisant des fumigènes et l'annihilent. Poursuivant vers l'ouest, ils neutralisent une seconde batterie du même groupe et tâtent Rumigny. Trois d'entre eux sont détruits par une pièce de 47mm.

Depuis l'arrêt de l'attaque, l'artillerie allemande a pris le combat à son compte. Dury, Petit-Cagny, le bois Impérial, Rumigny sont bombardés. Le tir s'intensifie vers 13h00, en particulier sur le centre de Dury.

L'aviation lance quelques bombes. Le château et le parc sont éprouvés. Les blessés sont nombreux et leur évacuation rendus difficile. Des chars ennemis croisent devant les lisières, d'autres sillonnent la coulé entre le bois Impérial et le bois Païens, certains même apparaissent à la lisière nord du bois Impérial.

Mais il semble bien que les Allemands veulent à tous prix dégager la route de Paris et, pour cela, s'emparer de Dury.

A 16h00, une attaque très violente sur le flanc ouest de la localité oblige au repli une section de la 10ème Cie. Ce repli menace gravement les position de la 9ème Cie au delà de la grand route. Le capitaine CANNET prend alors la décision de ramener ses éléments vers l'intérieur du village. Le décrochage est laborieux, les Allemands suivent de très près, de furieux combats de rue se livrent qui causent des pertes de part et d'autre. Un bonne partie de Dury est en feu, le clocher s'écroule, on se bat dans les ruines mais le moral reste élevé.

Sur un effectif total d'environ cinq cents hommes, il reste un peu plus de deux cents hommes des deux compagnies et des éléments qui leur ont été adjoints. Dury est coupé de partout; les coureurs ne peuvent plus passer. Un homme, cependant, envoyé par le commandement du bataillon, arrivera au PC de la défense, ayant mis trois heures pour parcourir à peine deux kilomètres. il apporte l'ordre du colonel : TENIR et TENIR.

La nuit tombe sur le village. Elle est marquée par des tirs de mousqueterie et des échanges de grenades.

 

A la nuit, la bataille s'apaise. On reprend les liaisons et on remet de l'ordre dans les unités. Des patrouilles sont envoyées; elles se heurtent à peu près partout à des groupes de blindés.

 

Vers 22h00, le motocycliste DUNAND, détaché en liaison à la division, après avoir joué un véritable jeu de cache-cache avec les Allemands, arrivent au PC. Ils est porteur d'un ordre de la Division.

Le général félicite les troupes pour leur belle attitude au feu. Il fait connaître que l'ennemi, fonçant sur le centre droit de la division, a pénétré d'environ huit kilomètres dans le dispositif. Cette poche sera résorbée. L'ordre est maintenu : TENIR FERME QUOI QU'IL ARRIVE.

Il annonce également, un ravitaillement en vivres et en munitions qui doit être effectué à Rumigny même. Il n'aura pas lieu, les voies d'accès seront barrées par l'ennemi.

 

Il reste encore un grand nombre de blessé graves au poste de secours. Le médecin-chef demande instamment des voitures pour assurer leur évacuation, la seule camionnette régimentaire ayant convoyé des blessés dans la matinée n'a pu revenir. Plusieurs messages sont envoyés par radio vers l'arrière, mais rien ne vient. Enfin vers 04h00, le docteur METTETAL, le visage tout illuminé, vient rendre compte au colonel qu'un convoi de quelques voitures du groupe sanitaire divisionnaire, profitant d'un trou, a pu venir jusqu’à lui et que ses blessés sont sauvés.

A ce moment, la situation devant le régiment est la suivante : Dury tient toujours dans sa partie sud ainsi que le bois Impérial à sa lisière nord-ouest, tandis que les Allemands ont pénétré dans sa partie centrale. Le bois des Païens est perdu. Petit-Cagny et la corne est du bois Impérial sont évacués. Rumigny passe en première ligne; il n'y a plus personne à Grattepanche depuis minuit. Hébécourt et Saint-Sauflieu n'ont pas encore été attaqué. Les Allemands sont arrivés jusqu'à Oresmaux.

 

Nous attendons le lever du jour où la lutte va reprendre.

JEUDI 6 JUIN 1940

A peine le jour se lève t-il que la lutte reprend partout. A gauche, un agent de liaison du centre de Dury, le sergent BARMONT, arrive peu après 03h00 au PC du bataillon. Il lui a fallu sept heures pour joindre ce dernier. Le capitaine CANNET appelle à l'aide. Un autre coureur, le soldat COUSSON, qui a éprouvé les mêmes difficultés pour remplir sa mission, apporte un compte rendu exposant le situation critique des 9ème et 10ème Cies. Ces renseignements sont transmis, par radio, au colonel. Celui-ci, encore une fois, ne peut agir car lui même va se trouver bientôt aux prises avec l'ennemi. Il prescrit au commandant du 3ème bataillon de faire au mieux et, en tout état de cause, d'assurer le verrouillage de l'axe Amiens-Essertaux. Les deux agents de liaison ne pourront plus rejoindre leur unité. Ils combattront avec la 11ème Cie et le brave sergent tombera à Hébécourt, gravement blessé par plusieurs projectiles.

Pendant ce temps, l'attaque reprend, moins violente cependant sur Dury. Les Allemands glissent sur la droite du village. Des colonnes d'infanterie sont prises de flanc par les feux de la défense et subissent de lourdes pertes. Utilisant les pentes de la cote 115, elles continuent à pousser vers le sud, laissant des chars pour canonner le village.

A Rumigny, le colonel reçoit, vers 06h00, un officier de l'état-major de la Division. On peut donc passer, le terrain à l'arrière est, tout au moins en partie, libre de blindés ennemis. Ceux-ci se sont repliés, avant le jour, sur Grattepanche et Sains.

Le colonel met l'officier au courant de la situation et reçoit de lui les instructions que l'appareil radio n'a pu recevoir la veille. Il est entendu que celui-ci sera remplacé et que des vivres et des munitions seront envoyés. Rien n'arrivera.

Il est 06h30 environ, lorsqu'une violente attaque aérienne fond sur le village de Rumigny. Elle dure vingt minutes. Les pertes qu'elle cause sont insignifiantes, mais la plus grande partie de la localité est en flammes ou démolie. Le centre radio du régiment, qui fonctionne dans une cave, est enseveli sous les décombres, le souffle d'une autre torpille dégage l'entrée de la cave et le personnel se tire d'affaire, mais l'ébranlement qui résulte de tout cela dérange singulièrement les appareils qui, mis à l'écoute un peu plus tard, ne recevront plus. L'adjudant-chef LOUET, qui s'est porté au secours de ses hommes, est blessé par l'écroulement d'un pan de mur.

La 3ème Cie est répartie en différents points d'appui. Elle occupe, avec une section, le réservoir; à l'issue ouest du village, la Tuilerie, avec une autre section. Deux sections forment le point d'appui est, face à Grattepanche et à Sains. Rumigny dispose de deux pièces : une de 75mm et une de 47mm.

 

Lien vers l'historique de la bataille de Rumigny: journal de Rumigny numero 14 decembre 2017.

 

Depuis l'arrêt de l'attaque aérienne, le village est sous le feu de l'artillerie lourde. La pièce de 75 est atteinte de plein fouet et son personnel tué ou blessé; le lieutenant qui la commande est mortellement touché.

 

Vers 07h30, une attaque d'infanterie, sans nul doute exécutée par les éléments qui ont contourné Dury, se lance sur la lisière nord-ouest de Rumigny; elle est aussitôt bloquée par le groupe de mitrailleuse de la défense. Des chars apparaissent à la lisière nord du bois Impérial. L'infanterie reprend son attaque. Elle tombe sous les feux de la section du réservoir, en même temps que sous les obus du mortier de la 5ème Cie qui défend Hébécourt. Les pertes de l'assaillant, observées depuis ce dernier village, sont importantes.

L'infanterie reflue. Quelques petits éléments, cependant, peuvent se glisser jusque dans Rumigny, obligeant la section du réservoir à se replier, ayant laissé son chef et ses hommes sur le terrain.

La progression de l'ennemi à travers le bois Impérial a provoqué le repli des éléments de la 11ème Cie. Les Allemands vont se servir de ce couvert comme base de départ pour attaquer Hébécourt.

Au nord, vers 10h15, le réduit de la défense de Dury est soumis à de sévères bombardements qui ne causent, toutefois, que des pertes légères mais détruisent des armes automatiques. Ils sont suivis de tir de harcèlement de mitrailleuses. A midi, l'infanterie allemande attaque. Pendant plus de deux heures se déroule une lutte corps à corps et à la grenade pour chasser l'ennemi du parc qui entoure le réduit. Plusieurs petites contre-attaques menées par le sous-lieutenant COURCENET réussissent à maintenir les assaillants en respect, mais elles coûtent cher à la faible garnison qui perd la deux sous-officiers, les sergents DESSEIGNE et MENICHON.

Le cercle se resserre de plus en plus autour des assiégés. Au sud du village, la 11ème Cie, en flèche, a évacué la lisière nord du bois Impérial. L'infanterie allemande, précédée de chars, se porte directement sur Hébécourt. Appuyée, en outre, par des canons automoteurs, et des mortiers, elle débouche du bois. Elle est reçue par la section du lieutenant POMMIER qui lui interdit la progression de son côté, mais glissant à l'est et à l'ouest, elle parvient à prendre d'enfilade la route de Paris qui traverse la localité dans toute sa longueur et menace les flancs de la 5ème Cie. Le soldat NUZILLAT, voyant le danger, se poste, seul dans une maison et, de son mousqueton, abat cinq Allemands. L'attaque est arrêté par la section de l'aspirant NOIREAUX, à l'ouest du village.

L'ennemi, un moment arrêté, reprend son mouvement, réussit à déborder Hébécourt. Il est à peu près 14h30. La lutte continue, très vive dans ce coin du champ de bataille. Un canon du 37ème RAD, en position à la lisière ouest, débite sans arrêt sous la mitraille ennemie, tirant à obus explosifs et débouchant à zéro sur les lignes d'infanterie et les chars de l'assaillant.

Malheureusement, le tir de notre artillerie est trop court. De nombreux obus tombent sur Hébécourt nous causant des pertes.

Les Allemands se sont infiltrés dans le village, guidés par quelques-uns des leurs, revêtus de vêtements d'artilleurs français. Hébécourt flambe, les chevaux de la section de mitrailleuses sont carbonisés dans les écurie, les blessés s'accumulent.

Vers 15h00, une accalmie se produit. La capitaine commandant la 5ème Cie décide de se dégager avant l'investissement complet. Profitant de la fumée causée par l'incendie, la 5ème Cie se replie dans la direction de Nampty, sous la protection de la section POMMIER. Le mouvement est en cours quand il est éventé par l'ennemi qui essaie de la couper en faisant intervenir mitrailleuses et artillerie; l'aviation mitraille en rase-mottes pendant un quart d'heure environ sans cependant l'arrêter. Tous les blessés ont pu être évacués. Un groupe de combat, commandé par le sergent SACLIER, et détaché au sud du village, n'a pas été touché par l'ordre de repli. Ce groupe, complètement enveloppé, réussit néanmoins, grâce à l'initiative et au sang-froid de son chef, à se décrocher pendant la nuit et gagner Saint-Saufflieu, louvoyant au milieu de fractions ennemies. Le sergent SACLIER est tué au cours de cet épisode.

La prise de la crête du réservoir, à l'ouest de Rumigny, a permis aux Allemands de gagner du terrain vers le sud, en direction de Saint-Sauflieu. Dans ce village se trouvent : la 7ème Cie et des fractions de la 11ème Cie repliées du bois Impérial.

Un bombardement massif, prélude d'une attaque, est dirigé sur le village, vers 13h00. L'infanterie allemande se porte ensuite sur la localité. Malgré tous ses efforts, elle ne peut l'enlever. Des chars sont mis hors de combat. Devant cette situation, l'artillerie ennemie reprend ses tirs et l'aviation intervient. Il ne restera plus grand chose de ce gros bourg.

L'ennemi reprend son attaque avec chars et auto-mitrailleuses, mais en vain, et jusqu'au soir il continuera à arroser Saint-Sauflieu de projectiles. Le commandant du bataillon essaie de se mettre en liaison avec le colonel. Tous les agents de liaison envoyés à Rumigny sont dans l'obligation de renoncer à leur mission. Rumigny est bloqué de toutes les directions et complètement isolé.

Le commandant du 3ème bataillon, qui a pu prendre contact avec le colonel commandant l'infanterie divisionnaire, reçoit de lui un ordre de repli; celui-ci doit s'exécuter à partir de 20h30.

Au sud du champ de bataille, le village d'Oresmaux, qui avait été atteint la veille par l'ennemi, lui a été repris par une contre-attaque menée par le 19ème GR et le groupement du Centre d'Instruction Divisionnaire, appuyés par une compagnie de chars Renault sous le commandement du chef d'escadron de PERSAN.

A Dury, la lutte ne se ralentit pas. A 16h00, elle prend un caractère d'extrême violence. Plusieurs des armes automatiques dont dispose la garnison sont détruites, les munitions commencent à s'épuiser. 

A 16h30, une partie du mur du parc s'écroule sous l'action d'explosifs. On recule pied à pied sur la maison qui est le centre du réduit et qui est déjà soumise aux coups d'une pièce de 37mm. Le sergent-chef TATU et le sergent BRUNEAU font merveille à la tête de leurs hommes. L'attaque est menée, non plus par l'infanterie mais par un bataillon de pionniers qui chemine, à l'aide de pétards de cheddite. Pétards, grenades, obus légers sont lancés sur le bâtiment où les défenseurs résistent, mais où sont rassemblés de nombreux blessés. Explosions, fusillades, éclatements produisent un fracas assourdissant au milieu de la fumée des incendies. Les murs sont ébranlés par les charges que l'ennemi parvient à placer à leur pied.

Les Allemands réussissent à placer un appareil lance-flammes à peu de distance de la maison et procèdent à un essai sur des murs voisins; une mitrailleuse lourde asperge les fenêtres du réduit.

La garnison est épuisée par la longueur de la lutte et l'âpreté du combat. La chaleur est torride, on est privé de tout ravitaillement, les munitions touchent à leur fin, la mise en œuvre du lance-flammes risque d'achever les blessés. La capitaine CANNET, la mort dans l'âme, décide de cesser la résistance. Il fait détruire les documents et mettre hors de service ce qui reste du matériel. Il est 17h30.

 

A Rumigny, depuis l'attaque du réservoir, les Allemands qui sont dans la partie ouest du village, sont tenus en respect par quelques petits éléments de la compagnie de commandement et de la 1ère Cie.

 

A 16h00, plusieurs blindés apparaissent au nord et nord-est du village. il y a là de gros chars et des chars moyens. Ils ouvrent le feu sur le point d'appui au milieu duquel fonctionne le PC du régiment. Leur tir est conjugué avec celui de leur artillerie lourde et se croise avec les feux d'une autre vague de chars qui vient de Grattepanche. Obus et gerbes de mitrailleuses arrosent le terrain où des éléments de la 3ème Cie ont organisé des emplacements de combat qui les met relativement à l'abri. Tout ce qui se montre est immédiatement salué par une pluie de projectiles. Les pièces allemandes, en même temps que des explosifs, lancent des obus incendiaires. Elles ne parviennent cependant pas à détruire le PC. Le village disparaît dans la fumée.

A 17h30, un tir nourri de mortiers s'abat sur la lisière nord. La 3ème Cie subit des pertes. Le sous-lieutenant GUIGNARD est atteint grièvement de nombreux éclats.

Le bombardement se prolonge jusqu'à 18h45 sans discontinuer. A cette heure, tous les centres de résistance des alentours sont tombés. Les chars ennemis débouchent de toutes les directions, par les thalwegs environnant le village et, d'un bond, atteignent les lisières en actionnant toutes leurs armes. Il n'y a plus à leur opposer que des fusils et les munitions vont vers leur fin. L'infanterie ne débouche des derniers couverts que lorsque ses chars sont sur la position. Les défenseurs sont annihilés par le feu des canons et des mitrailleuses. Le PC est submergé.

Les petites fractions qui tiennent d'autres points de la lisière sont prises à revers et réduites. L'attaque a été concentrique. Les débris de la 3ème Cie et de la compagnie de commandement sont capturés avec le colonel et quelques officiers de son état-major. Il est 19h00. Le bruit de la bataille s'est éloigné vers le sud. Dury, Rumigny, Hébécourt, comme de véritables torches, éclairent la région.

L'ordre de repli, donné par le général de Division, a été envoyé au colonel, mais son porteur n'a pu passer.

Dans ces deux jours de bataille les pertes du régiment se sont élevées à 1 200 hommes tués, blessés et disparus, dont 27 officiers.

Placé au point sensible du dispositif de la Division, il a supporté le poids principal de l'attaque. Écrasé par le nombre et la puissance du matériel, il a toutefois, fait payer très cher son succès à l'ennemi.

Celui-ci s'est d'ailleurs incliné devant le courage de son adversaire.

Stèle de Dury (source www.wikiwand.com)
Stèle de Dury (source www.wikiwand.com)

DU 6 JUIN À LA FIN JUIN 1940

Dans la soirée du 6 juin, le général commandant la Division envoie aux troupes l'ordre de décrocher.

Le mouvement commencera à 20h30.

Cet ordre atteint les PC des 2 et 3ème bataillons, mais ne peut arriver au colonel, Rumigny étant étroitement enserré et le théâtre de combats qui vont amener sa chute.

La 24ème Division, qui a débarqué sur les arrières, doit prendre le combat à son compte.

Le 7 juin, il ne reste plus au 56ème qu'un officier supérieur, le chef de bataillon MITTLER. Il prend le commandement des débris du régiment qui doivent se regrouper au Crocq (Le Crocq 60120) et à Cormeilles.

Le 56ème est reformé à deux faibles bataillons et une compagnie d'accompagnement régimentaire. Les bataillons comprennent chacun deux compagnies et sont, respectivement, placés sous les ordres du capitaine adjudant-major RAYNEAU et du capitaine DAMANCE; la compagnie d'accompagnement est commandée par le lieutenant JEAUNET.

Le soir même, le régiment se porte à Hardivillers (60120). Malgré les fatigues inhérentes à la bataille qui vient de se livrer, la troupe se met à l'oeuvre pour organiser la défense du village.

La Cie H.R. a quitté Lawarde-Mauger-l'Hortoy (80250) le 5 juin au soir, pour venir bivouaquer dans les bois d'Hardivillers. Elle rejoint le régiment le 7 juin, à Cormeilles.

De son côté, l'ennemi ne reste pas inactif, son aviation accompagne la poursuite. Cormeilles est bombardé, le régiment subit des pertes.

Dans la nuit du 7 au 8 juin, la Division reprend son mouvement de retraite. Il s'agit, pour le régiment, de gagner Le Fay-Saint-Quentin (60510). Cette localité est atteinte sans encombre dans l'après-midi du 8 juin.

Là encore il faut se mettre en mesure, sans songer au repos, de recevoir l'ennemi dont les éléments rapides talonnent nos troupes. Comme à Hardivillers, on travaille à la mise en état de défense du village.

A minuit, la 16ème Division quitte ses emplacements, mais le 56ème demeure provisoirement sur place avec mission de former arrière-garde et protéger l'écoulement de l'état-major du 10ème Corps d'Armée qui a stationné à Le Fay-Saint-Quentin.

La Cie H.R. a été mise en route sur Villers-Saint-Sépulcre, qui est le point de destination du régiment.

Six chars R. 35 sont mis à la disposition du commandant MITTLER; ils sont employés à barrer les issues du village, mais au départ quatre d'entre eux devront être laissés sur place en raison de leur mauvais état, non sans avoir été complètement mis hors d'usage.

Le 9 juin, à 07h00, le régiment reçoit l'ordre de se diriger non plus sur Villers-Saint-Sépulcre mais sur Précy-sur-Oise. Il se met en route, renforcé d'un char qui est adjoint au bataillon RAYNEAU, lequel marche en queue de colonne.

L'ennemi est proche. Quelques petites escarmouches se sont produites avec des unités françaises; il faut presser le mouvement pour atteindre la coupure de l'Oise. La marche est pénible en raison de la fatigue des hommes et de l'encombrement des routes par les populations qui fuient. Tous les cadres se multiplient pour maintenir la cohésion.

Vers 11h00, le commandant MITTLER, en traversant le village de Bresles, envoie son adjoint, le capitaine adjudant-major BAUDEMENT, rechercher la liaison avec le colonel commandant l'infanterie divisionnaire. Le capitaine BAUDEMENT se heurte, au cours de sa mission, à des fractions ennemies qui lui barrent la route et le somment de se rendre. Pour toute réponse, le capitaine décharge son revolver sur les Allemands. Il reçoit alors une décharge et tombe en héros.

Le conducteur, grièvement blessé, est fait prisonnier.

La Cie H.R., qui a pu être alertée lorsqu'elle se rendait de Villers-Saint-Sépulcre à Précy-sur-Oise, reçoit l'ordre de rejoindre le régiment à Neuilly-en-Thelle pour y réapprovisionner les unités. Là aussi le déplacement est rendu difficile par l'embouteillage de la route : hommes, femmes, enfants, voitures s'écoulent constamment vers le sud, la plupart ne sachant où aller, se glissant au travers des intervalles des voitures de ce long convoi que forment le T.R. et les T.C. Il faut tout le calme et la sûreté de soi-même du capitaine POIRIER pour assurer la régularité du mouvement. Il sera au rendez-vous à Neuilly-en-Thelle et le régiment pourra être réapprovisionné.

Après un arrêt d'une demi-journée, le 56ème est remis en mouvement.

 

Le 10 juin, avant l'aube, il quitte Neuilly-en-Thelle. Les ordres de la Division lui enjoignent de se rendre sur l'Oise à Mours, pour s'installer sur la rivière, en aval de Boran. Hommes et chevaux sont exténués.

Le régiment atteint l'Oise dans la matinée et est mis en place, chaque bataillon ayant une compagnie en ligne et une en soutien.

Le PC est à Mours, la Cie H.R. à Nointel.

Le régiment est encadré à droite par le 89ème RI, à gauche par des unités de la 13ème DI.

Le chef de bataillon CHAUVEAU de QUERCIZE, du 29ème RI, désigné pour prendre le commandement du 56ème, rejoint à Mours et, d'accord avec le commandant MITTLER, décide de se séparer du Drapeau et de l'envoyer au dépôt 82, à Chalon-sur-Saône. La mission est confiée au lieutenant POULET, qui l'accomplira sans incidents.

Le chef de bataillon MITTLER prend le commandement du bataillon DAMANCE. L'ennemi n'a pas encore paru. Le groupe de reconnaissance divisionnaire escadronne au nord de l'Oise; l'axe Méru-Beauvais est encore libre d'ennemis.

A 22h00, les ponts de la rivière sautent.

 

Le 11 juin, les premiers éléments ennemis se montrent peu après le lever du jour. Ils se renforcent rapidement et refoulent les populations en exode, vers le nord.

L'artillerie allemande canonne la rive sud, le régiment subit des pertes sérieuses mais tient ferme. Nos armes automatiques infligent de grosses pertes aux Allemands que notre artillerie ne ménage pas non plus.

La journée du 11 juin et celle du 12 s'écoulent devant le 56ème sans que l'ennemi ait pu réussir dans ses tentatives de traverser l'Oise.

En raison du bombardement, la Cie H.R. est rejetée plus au sud. Par la forêt de Carnelle et Saint-Martin-du-Tertre, elle est venue s'installer au nord de Villaines-sous-Bois. Elle reçoit, là, des munitions qui sont envoyées, sans délai, aux unités en ligne par la seule chenillette qui a survécu à la bataille, mais ce véhicule est atteint, en cours de mission, et mis hors d'état; le ravitaillement se fera à bras d'hommes et arrivera jusqu'à la ligne de feu.

La journée du 12 est marquée par un redoublement de bombardement ennemi. A minuit, le régiment rompt le contact sous le feu des canons allemands et se porte sur Epinay (sur-Seine), où la troupe peut faire une grande halte. Il reprend son mouvement à 18h00 avec, comme destination, Juvisy.

Il contourne Paris par le nord-est. A la Porte de La Chapelle, le général de Division fait mettre plusieurs camions à la disposition du régiment. Ils embarquent, trois cents hommes environ et , sous le commandement du chef de bataillon MITTLER, gagnent Juvisy non sans difficultés, d'ailleurs, en raison de l'encombrement du parcours.

L'ennemi sillonne les routes de tous côtés. le convoi de la Division et les trains sont pris à partie et ne peuvent se dégager qu'après un petit combat qui leur cause quelques pertes.

La cie H.R.s'est repliée sur Drancy par la Croix-Verte, Moiselles, Stains, La Courneuve, Les Quatre-Routes. Elle arrive à 07h00, le 13 juin.

La marche est excessivement pénible pour les troupes. Le régiment est regroupé le 14 juin, vers midi.

la Division a pour mission de défendre la coupure de l'Orge.

Le bataillon RAYNEAU prend position à l'est de Morsang (91390) avec le PC du régiment.

L'ennemi reprend le contact dans l'après-midi. Le 29ème Ri est particulièrement pressé. Une attaque d'auto-mitrailleuses et de cavaliers est repoussée par ce régiment.

La journée se passe en actions d'artillerie.

Après une nuit assez calme, les Allemands attaquent le 15 juin sur Juvisy, où le 89ème RI tient ferme.

Vers 17h00, la Division, découverte sur ses flancs par le repli des divisions voisines, décroche à l'abri de quelques arrière-gardes. Le 56ème se repli sur Fontenay-le-Vicomte, protégé par une compagnie commandée par le capitaine TERRAS, renforcée par deux sections du bataillon MITTLER. Cette compagnie, qui doit rester en place jusqu'à 22h00, accomplira sa mission jusqu'au bout, mais, débordée, noyée dans les vagues ennemies, elle ne pourra rejoindre.

La Division se porte sur l'Essonne, dont elle doit tenir les passages entre Le Bouchet (Vert-le-Petit 91710) et Mennecy.

Le régiment est harcelé, pendant la marche, par les tirs d'armes automatiques de fractions ennemies, mais la riposte de nos éléments obligent les Allemands à se retirer et le 56ème atteint Mennecy, entre 21h00 et 22h00.

Le Bataillon Rayneau qui marche en tête, a dépassé le village mais, au moment où le bataillon MITTLER s'y engage, les Allemands reviennent à la charge et s'infiltre dans la localité; il accueille le bataillon par un feu nourri. Le chef de bataillon fait contourner Mennecy par l'ouest et peut reprendre son itinéraire. Il arrive à Fontenay-le-Vicomte entre 23h00 et 24h00 où le régiment se trouve regroupé ayant perdu, en route, quelques éléments de la compagnie ROBIN.

La Cie H.R. a été fractionnée en deux tronçons : un convoi automobile groupant les trains du régiment et ceux du 89ème RI, sous le commandement du capitaine POIRIET, et un convoi hippomobile des deux régiments, commandé par un officier du 89ème. Le vétérinaire BLOT est à la tête du T.R. du 56ème. Après avoir quitté Drancy, elle a contourné Paris et, par Gros-Bois, au sud de Boissy-Saint-Léger et Fleury-Mérogis, elle est arrivée le 14 juin et peut ravitailler le régiment à Morsang, ce sera la dernière fois.

L'arrêt du régiment à Fontenay n'est que d'un heure. L'ordre est donné de se porter à Buno-Bonnevaux (91720). Les hommes sont harassés, la marche est lente. Buno-Bonnevaux est atteint entre 09h00 et 11h00, le 15 juin.

Mais déjà l'ennemi est signalé plus au sud. Sa pression devient toujours plus étroite; le régiment reçoit alors un nouvel ordre de repli. Celui-ci doit commencer à 18h00. Un nouvel ordre le fixe à 21h00.

Il s'agit, pour la Division, de se porter sur la Loire et de traverser concurremment avec les 13ème, 24ème DI et 4ème DIC, à Jargeau (45150) et Châteauneuf.

Le 56ème, suivi des deux autres régiments, arrive à Champmotteux (91150), où il lui est prescrit de stopper et d'organiser défensivement le village pour protéger le repli de la division.

Vers 19h30, les troupes motorisées ennemies, venant de la direction de Malesherbes, apparaissent à cinq cents mètres de la localité. Des chaines de tirailleurs se portent sur Champmotteux, appuyées par des auto-mitrailleuses. Une de celles-ci est incendiée.

Devant le bataillon MITTLER, les Allemands, après avoir progressé de quelques centaines de mètres, lèvent les bras. Le chef de bataillon s'aperçoit que l'ennemi, usant d'une ruse déloyale, se fait précéder de soldats français, prisonniers, les poussant sous la menace de mitrailleuses légères. L'ennemi est arrivé à cent mètres, à peu près, de notre ligne, le crépuscule tombe. Le commandant MITTLER fait lever ses hommes et, secondé par les lieutenants MANSON, LALLEMENT et BESSARD, il se jette sur l'ennemi en incitant les prisonniers à se coucher.

Les Allemands n'attendent pas l'abordage et s'enfuient. Poursuivis par les feux, une dizaine d'Allemands sont abattus, des prisonniers sont capturés. Interrogés, ils déclarent que tous les centres environnants sont tenus par des éléments cuirassés.

Le commandant de QUERCIZE fait néanmoins reprendre la marche vers le sud mais, arrivé à Nangeville, il est avisé que les débris de la Division sont complètement encerclés.

Les effectifs sont réduits à une poignée d'hommes. Les compagnies ont un aspect squelettique. Depuis dix jours on marche, on se bat presque sans arrêt; la valeur combative est réduite à peu de choses. Les restes de la Division, encerclés depuis cinq jours par des unités rapides, manquant de ravitaillement, sont à bout de forces.

Ils tombent le 16 juin, au soir.

Les Allemands groupent leurs prisonniers dans la région d'Antony.

Le convoi automobile de la Cie H.R., évitant Malesherbes et Pithiviers, malgré quelques attaques ennemies, réussit à passer la Loire sous le bombardement aérien en laissant quatre voitures derrière lui.

Le 18 juin, il retrouve à Nançay (18330) la section de ravitaillement commandée par le lieutenant ELIZON, qui n'avait pu rejoindre le régiment.

Par Theilly, Mennetou-sur-Cher, Saint-Loup, il atteint Villefranche. Le 19 juin, il traverse Valençay, Entraygues, Heugnes, Angle-sur-Anglin. Du 21 au 25 juin, il chemine par Saint-Sauvin-sur-Gartempe, Pindray, Civray, Angoulême, Ribérac, Saint-Astier, Librac, Lalinde, Beaumont-en-Périgord, Montpazier, Curzon et La Même.

C'est dans cette dernière localité que le capitaine POIRIER apprend la signature de l'Armistice.

Le 26 juin les éléments de la Division restants sont rassemblés dans la région de Beaumont-en-Périgord et il est procédé à la démobilisation.

 

Source: Historique du 56° RI